Franchement, aujourd’hui c’est quoi un poète? | Laisse-moi te parler de Rimbaud…

Selon-moi qu’est-ce qu’un poète ?

 

Stardust by Adrien Servadio
Stardust by Adrien Servadio
  • Un voleur de feu

Réinventer les sentiments

 

Un poète se nourrit de ce qu’il voit, de ce qu’il entend, du commun des hommes, de la lumière du soleil ou de l’obscurité de la nuit pour redessiner et retranscrire ce qu’il admire ou craint. Rimbaud n’était pas différent dans ces cas-là.

« L’amour doit être réinventé [1]». Rimbaud voulait aller au-delà du sentiment lui-même et y trouver une beauté caché cachée, sombre et interdite. Un poète se doit dans ses écrits d’aller au-delà des barrières ou de ne pas en avoir, afin de pouvoir dire avec des mots et un style défini ce que l’homme simple restreint et chasse de son imagination.

Tout comme Rimbaud rejetait la poésie « subjective » et souhaitait de « la fantaisie », explorant toutes les facettes de l’humanité jusqu’à s’en souiller, un poète ne doit pas avoir de limites. Il doit refuser de faire de la réalité sa seule loi. Ainsi des poèmes comme « Ophélie » ou « Les déserts de l’amour » rassemblant tous les sentiments que ce soit de l’amour à la haine avec « Le mal », ou de la joie avec « Au Cabaret Vert » à la peur, se forment et se réinventent pour une quête, celle de l’absolu.

 

La quête de l’absolu

 

Rimbaud ne rentrait dans aucun cadre stylistique, quel qu’il soit. Comme Wystan Hugh Auden [2]après lui, il a voulu créer un tout nouveau style et à travers ses thèmes et ses écrits atteindre ce que nul autre n’a atteint avant lui. Toucher à l’absolu. Ses poèmes le prouvent bien. Tandis que les passent, sa poésie se radicalise et devient plus dure, plus sombre, plus complexe, Rimbaud le dit dans une lettre qu’il adresse à Georges Izambard, sa quête doit se faire par « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens[3] »

Amoureux du chaos, intelligemment fou, Rimbaud pousse les barrières du tolérable et de l’éthique dans certains poèmes comme « l’idole » et s’engouffre le plus loin possible dans ce qu’il cherche à découvrir parmi le contact humain, persuader à un moment de sa vie que la poésie peut tout faire. C’est, selon moi, ce qu’un poète doit garder à l’esprit. Bon nombre de ses poèmes amènent à des voyages dans des lieux inexplorés et invitent à l’éternité, comme « Aube » ou « L’éternité »

 

 

Transfert (20123) by Kevin Corrado
Transfert (20123) by Kevin Corrado
  • Le messager des dieux

 

Un voyant

 

Le poète serait donc plus qu’un homme ; tout comme l’inspiration qu’il recherche à tout prix, il se trouve, entre deux eaux, entre deux mondes, celui de la féerie, du merveilleux, là où il est possible de « défier l’imagination » et l’autre plus bas, celui des hommes banals et vides et de « la réalité rugueuse à étreindre[4] ». Rimbaud s’est déclaré voyant, voyant d’une autre ère, d’un autre style plus fou, plus recherché, plus profond, donc « plus parfait ». Lui qui détestait la poésie des Parnassiens, à inventer sa propre poésie, à travers la prose laissant derrière lui un monde littéraire abasourdi par ce dérèglement intelligent.

 

Un message divin

 

Certains poètes ont des préférences pour certains thèmes, comme l’amour avec Paul Eluard[5] et son poème « Ma morte-vivante » ou « Funeral blues » de Wystan Hugh Auden, Rimbaud, lui, semblait vouloir tout connaître et tout apprendre. Bien sûr comme chaque poète il avait ses préférences, lui qui « voulait le soleil » mais dans tous ses recueils, les thèmes sont larges et diversifiés. Dans la lettre qu’il laisse à la presse à propos des « Illuminations », Verlaine[6], son ami proche, dit : « Des thèmes il n’y en a ou plutôt nous n’en trouvons pas. De la joie d’être un grand poète, évidement et d’esquisses petites vagues d’amour écrites avec la plus haute ambition de style »

Rimbaud dans ses écrits semblait universel. Chaque poème est un message à la beauté, à l’amour, à la mort, à la haine pour cette humanité qui l’aura dégradé. Son proviseur de collège dira de lui « Rien de banal ne germe dans cette tête. Ce sera le génie du mal ou le génie du bien ». Il me parait essentiel qu’un poète puisse être les deux.

 

 

Leonardo Dicaprio as Rimbaud in "Total Eclipse"
Leonardo Dicaprio as Rimbaud in “Total Eclipse”
  • Un révolté

 

Contre lui-même

 

De par la grandeur de sa tâche, le poète ne peut rester neutre quant à sa position. Pris de doute, de peur ou de chagrin, un poète doit être capable de découvrir son « moi » afin d’écrire et d’explorer « les autres ». Pour Rimbaud « Je est un autre [7]» c’est dans « Une saison en enfer » que le « Je » reviens plus que jamais. Ce recueil est écrit en pleine période de doute, de crise. Après avoir souffert et avoir été Sali par la vie qu’il a menée, Rimbaud se délivre en quelque sorte et fait son introspection, comme tout poète se doit de le faire, il veut atteindre l’absolu. « L’époux infernal » et « Délires I et II » sont la preuve que Rimbaud avait ses peurs, ses dégoûts de lui-même et qu’il les a analysés. Une révolte et une violence contre lui-même l’on poussé a de sublimes écrits.

Un poète se détruit pour mieux se reconstruire.

 

 

Contre l’humanité

 

La guerre, la mort, la haine, la cruauté… tous ces thèmes sont explorés, embellis, enlaidis par Rimbaud qui se révolte contre l’injustice et cri son indignation au monde. La poésie peut aussi servir de combat contre les crimes. Et Rimbaud en donne un exemple formidable avec « L’orgie parisienne »

 

 

Signature


 

[1] Extrait de La Vierge folle et l’Epoux infernal, dans “Une Saison en Enfer”, d’Arthur Rimbaud (Lien)

[2] Célèbre poète anglo-américain (1907-1973) notamment connu pour son poème « Funeral Blues » (Lien)

[3] Extrait de la lettre de Rimbaud, dit « Lettre du Voyant » à Paul Demeny. (Lien)

[4] Extrait du poème de Rimbaud « Adieu », venant du recueil « Une saison en enfer » (Lien)

[5] Célèbre poète français (1895-1952) (Lien)

[6] Célèbre poète français (1844-1896), ami et amant de Rimbaud, il publie « Illuminations » pour lui en 1886. (Lien)

[7] Extrait de la lettre de Rimbaud, dit « Lettre du Voyant » à Paul Demeny. (Lien)

 

Image à la une: Paulo Coelho

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